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GUERRE DE JUGURTHA.

paraissent guère dignes d’être recherchés dans le temps présent : car ce n’est pas au mérite qu’on accorde les honneurs ; et ceux qui les ont acquis par des voies frauduleuses n’y trouvent ni sûreté, ni plus de considération. En effet, obtenir par violence le gouvernement de sa patrie ou des sujets de la république (1), dût-on devenir tout-puissant et corriger les abus, est toujours une extrémité fâcheuse ; d’autant plus que les révolutions traînent à leur suite les massacres, la fuite des citoyens, et mille autres mesures de rigueur (2). D’un autre côté, se consumer en efforts inutiles, pour ne recueillir, après tant de peine, que des inimitiés, c’est l’excès de la folie, à moins qu’on ne soit possédé de la basse et funeste manie de faire en pure perte, à la puissance de quelques ambitieux, le sacrifice de son honneur et de sa liberté.

IV. Au reste, parmi les autres occupations qui sont du ressort de l’esprit, il n’en est guère de plus importante que l’art de retracer les événements passés. Tant d’autres ont vanté l’excellence de ce travail, que je m’abstiens d’en parler, d’autant plus qu’on pourrait attribuer à une vanité déplacée les éloges que je donnerais à ce qui fait l’occupation de ma vie. Je le pressens, d’ailleurs : comme j’ai résolu de me tenir désormais éloigné des affaires publiques, certaines gens ne manqueront pas de traiter d’amusement frivole un travail si intéressant et si utile ; notamment ceux pour qui la première des études consiste à faire leur cour au peuple, et à briguer sa faveur par des festins. Mais que ces censeurs considèrent et dans quel temps j’obtins les magistratures, et quels hommes ne purent alors y parvenir, et quelle espèce de gens se sont depuis introduits dans le sénat ;