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SALLUSTE.

tabal bien que Masinissa l’eût laissé dans une condition privée, comme étant né d’une concubine (5).

VI. Dès sa première jeunesse, Jugurtha, remarquable par sa force, par sa beauté, et surtout par l’énergie de son caractère, ne se laissa point corrompre par le luxe et par la mollesse ; il s’adonnait à tous les exercices en usage dans son pays, montait à cheval, lançait le javelot, disputait le prix de la course aux jeunes gens de son âge ; et, bien qu’il eût la gloire de les surpasser tous, tous le chérissaient. À la chasse, qui occupait encore une grande partie de son temps, toujours des premiers à frapper le lion et d’autres bêtes féroces, il en faisait plus que tout autre, et c’était de lui qu’il parlait le moins.

Micipsa fut d’abord charmé de ces premiers succès, dans l’idée que le mérite de Jugurtha ferait la gloire de son règne : bientôt, quand il vint à considérer, d’une part, le déclin de ses ans et l’extrême jeunesse de ses fils, puis, de l’autre, l’ascendant sans cesse croissant de Jugurtha, il fut vivement affecté de ce parallèle, et diverses pensées agitèrent son âme. C’était avec effroi qu’il songeait combien par sa nature l’homme est avide de dominer et prompt à satisfaire cette passion ; sans compter que l’âge du vieux roi, et celui de ses enfants, offriraient à l’ambition de ces facilités qui souvent, par l’appât du succès, jettent dans les voies de la révolte des hommes même exempts d’ambition. Enfin, l’affection des Numides pour Jugurtha était si vive, qu’attenter aux jours d’un tel prince, eût exposé Micipsa aux dangers d’une sédition ou d’une guerre civile.

VII. Ces difficultés arrêtèrent le monarque, et il reconnut