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Page:Œuvres complètes du Marquis de Sade, tome 13, édition définitive (extrait), 1973.djvu/2

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LA VÉRITÉ.



Quelle est cette chimère impuissante et stérile,
Cette divinité que prêche à l’imbécile
Un ramas odieux de prêtres imposteurs ?
Veulent-ils me placer parmi leurs sectateurs ?
Ah ! jamais, je le jure, et je tiendrai parole,
Jamais cette bizarre et dégoûtante idole,
Cet enfant de délire et de dérision
Ne fera sur mon cœur la moindre impression.
Content et glorieux de mon épicurisme,
Je prétends expirer au sein de l’athéisme
Et que l’infâme Dieu dont on veut m’alarmer
Ne soit conçu par moi que pour le blasphémer.
Oui, vaine illusion, mon âme te déteste,
Et pour t’en mieux convaincre ici je le proteste,
Je voudrais qu’un moment tu pusses exister
Pour jouir du plaisir de te mieux insulter.

Quel est-il en effet ce fantôme exécrable,
Ce jean-foutre de Dieu, cet être épouvantable
Que rien n’offre aux regards ni ne montre à l’esprit,
Que l’insensé redoute et dont le sage rit,
Que rien ne peint aux sens, que nul ne peut comprendre,
Dont le culte sauvage en tous temps fit répandre
Plus de sang que la guerre ou Thémis en courroux
Ne purent en mille ans en verser parmi nous[1] ?
J’ai beau l’analyser, ce gredin déifique,
J’ai beau l’étudier, mon œil philosophique
Ne voit dans ce motif de vos religions
Qu’un assemblage impur de contradictions

  1. On évalue à plus de cinquante millions d’individus les pertes occasionnées par les guerres ou massacres de religion. En est-il une seule d’entre elles qui vaille seulement le sang d’un oiseau ? et la philosophie ne doit-elle pas s’armer de toutes pièces pour exterminer un Dieu en faveur duquel on immole tant d’êtres qui valent mieux que lui, n’y ayant assurément rien de plus détestable qu’un Dieu, aucune idée plus bête, plus dangereuse et plus extravagante ?