n’en ai point de rancune : que puis-je dire de plus ?
Jugez-en vous-même. Si quelqu’un vous voyoit dans un grand péril, qu’il ne pût vous en tirer, vous sauver la vie, qu’en vous fesant une légere douleur, seroit-il juste, lorsque vous seriez hors de danger, de vous en tenir à lui dire : vous m’avez fait un petit mal, vous m’avez un peu trop pressé le bras ; mais je n’en ai point de rancune, & je vous le pardonne ?
Ah ! vous avez raison ; il y auroit une ingratitude effroyable à ce que vous me dites-là : mais c’est de quoi il n’est pas question ici ; je ne sçache pas que vous m’avez jamais sauvé la vie.
Non ; le service que j’ai tâché de vous rendre est encore plus grand : j’ai voulu vous sauver du malheur de vivre sans gloire ; je vous ai vu exposé à des défauts qui auroient fait périr les qualités de votre âme, & c’est à la plus noble partie de vous-même que j’ai, pour ainsi dire, tâché de conserver la vie. Je n’ai pu y réussir qu’en vous contrariant, qu’en vous gênant quelquefois : il vous en a coûté de petits chagrins ; c’est-là cette légere douleur dont je parlois tout--