Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/232

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

peuple. Les nains velus qui portaient au poing de monstrueux oiseaux firent office de magistrats ; le peuple devait ratifier la sentence.

L’interrogatoire fut bref. L’accusé — qui était un beau jeune homme à la barbe légère — dit aux nains et à la foule : « Je me nomme Clélio et je suis né très loin d’ici, en un pays lumineux et triste, dans une ville en ruine près d’un clair océan. J’ai passé ma vie à rêver et à créer. Et si Dieu le permet je sculpterai toujours de belles vierges heureuses et jamais des singes ni des pourceaux. » Ces paroles entendues, une clameur s’éleva de la foule. Clélio fut condamné. Sur-le-champ la statue fut brisée à coups de hache et l’artiste fut expulsé du palais par les valets du chenil.

Mais Clélio ne souffrit pas de l’insulte, et si des fouets le cinglèrent, il ne le sut pas. Car ce jour-là il avait reçu le message longtemps souhaité, le message de la lointaine bien-aimée qu’il osait à peine nommer au silence. Ce soir Marcia l’attendrait dans le Jardin du Fleuve, parmi les arbres d’Asie et les fleurs étrangères. Oubliant le hideux palais et les juges et la statue détruite, Clélio errait anxieux et ravi dans le Jardin caressé de lune. Enfin sur les