Page:Œuvres d’Éphraïm Mikhaël (Lemerre, 1890).djvu/31

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Et comme les froufrous des vêtements de femmes,
Comme l’odeur des fleurs mortes entre les seins,
J’aime tous les petits frissons des frêles âmes
Et le subtil parfum des poèmes malsains.

Et pourtant dans les jours de tristesse secrète,
Tout plein de vague rêve et de désirs plaintifs,
Je songe aux temps anciens et rudes ; je regrette
Le bonheur animal des géants primitifs.

Je regrette le temps formidable des luttes
Contre les loups nombreux et les vieux sangliers,
Et les combats sans fin livrés autour des huttes,
Et les accouplements au fond des grands halliers.

Je regrette le temps des batailles épiques,
L’âge superbe où l’homme énorme ne songeait
Qu’à rougir dans le sang vermeil de fières piques,
Où nul amour sourd et profond ne le rongeait.

Quand je suis au milieu d’arbres au vaste torse,
Une odeur de géant est dans l’air que je bois,
Et dans ma nostalgie immense de la force,
Je suis humilié de la splendeur des bois,

Ainsi qu’aux temps rieurs des mignonnes marquises,
Plus d’une, s’en allant par les champs en travail,
Rêvait, pour son corps las de voluptés exquises,
L’amour d’un paysan au robuste poitrail.