Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/242

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reux que la corruption des humeurs, en sorte qu’il n’est point de cause plus puissante pour éloigner de l’Église ceux qui sont hors de son sein et pour en bannir ceux qui s’y trouvent déjà que les atteintes données à l’unité. Ainsi, quand les sentiments étant excessivement partagés on entend l’un crier : « Le voilà dans le désert, » et l’autre dire : « Non, non, le voici dans le sanctuaire, » c’est-à-dire quand les uns cherchent le Christ dans les conciliabules des hérétiques, et les autres sur la face extérieure de l’Église, alors on doit avoir l’oreille perpétuellement frappée de ces paroles des saintes écritures « Gardez-vous de sortir. » L’apôtre des gentils, dont le ministère et la vocation étaient spécialement consacrés à introduire dans l’Église ceux qui se trouvaient hors de son sein, s’exprimait ainsi en parlant aux fidèles. « Si un païen ou tout autre infidèle, entrant dans votre Église, vous entendait parler ainsi différentes langues, que penserait-il de vous ? Ne vous prendrait-il pas pour autant d’inserisés ? » Certes, les athées ne sont pas moins scandalisés lorsqu’ils sont étourdis par le fracas des disputes et des controverses sur la religion. Voila ce qui les éloigne de l’Église et les porte a tourner en ridicule les choses saintes. Quoiqu’un sujet aussi sérieux que celui-ci semble exclure toute espece de badinage, je ne puis m’empêcher de rapporter ici un trait de ce genre qui peut donner une juste idée des mauvais effets de ces disputes théologiques. Un plaisant de profession a inséré dans le catalogue d’une bibliothèque imaginaire un livre portant pour titre. « Cabrioles et singeries des hérétiques. » En effet, il n’est point de secte qui n’ait quelque attitude ridicule et quelque singerie qui lui soit propre et qui la caractérise, extravagance qui, en choquant les hommes charnels ou les politiques dépravés, excite leur mépris et les enhardit à tourner en ridicule les saints mystères.

À l’égard de ceux qui se trouvent déjà dans le sein de l’Église, les fruits qu’ils peuvent retirer de son unité sont tous compris dans ce seul mot la paix, ce qui renferme une infinité de biens, car elle établit et affermit la foi, elle allume le feu divin de la charité. De plus, la paix de l’Église semble distiller dans les consciences mêmes et y faire régner cette sérénité qui règne au dehors. Enfin elle engage ceux qui se contenteraient d’écrire ou de lire des controverses et des ouvrages polémiques à tourner leur attention vers des traités qui respirent la piété et l’humilité Quant aux limites de l’unité, il importe avant tout de les bien placer. Or on peut à cet égard donner dans deux excès opposés, car les uns, animés d’un faux zèle, semblent repousser toute parole tendant a une pacification. « Eh quoi ! Jehu est-il un homme de