Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/402

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ment excessivement et sont pour ainsi dire amoureux d’eux-mêmes. Assez ordinairement les hommes de ce caractère n’aiment point à paraître en public et ont de l’éloignement pour les affaires, car dans la société et dans une vie plus active, ils auraient à essuyer ou des affronts, ou des négligences, toutes disgrâces qui pourraient les troubler et les décourager. Aussi menent-ils presque toujours une vie retirée, timide et solitaire, contents d’une petite société toute composée de personnes qui les cajolent, qui défèrent toujours à leur sentiment, applaudissent à tous leurs discours et sont comme leurs échos. Mais, enflés de ces continuels applaudissements, gatés par ces cajoleries et rendus presque immobiles par cette admiration qu’ils ont pour eux-mêmes, ils deviennent excessivement paresseux et tombent dans une sorte d’engourdissement qui les rend incapables de toute entreprise dont l’exécution demande un peu de vigueur et d’activité. C’est avec autant de jugement que d’élégance que les poètes ont choisi une fleur printanière pour image des individus dont nous parlons. En effet, les hommes de ce caractère ont une certaine fleur de talent et acquièrent un peu de célébrité durant leur jeunesse, mais dans l’âge mûr ils trompent l’attente de leurs admirateurs et ces grandes espérances qu’on avait conçues d’eux. C’est dans le même esprit que les poètes ont feint que cette fleur est consacrée aux dieux infernaux, les hommes atteints de cette maladie n’étant propres à rien. Or, tout ce qui de soi-même ne donne aucun fruit, mais passe et s’efface à l’instant comme la trace du vaisseau qui sillonne les ondes, était consacré par les anciens aux ombres et aux dieux infernaux.

V.— Le Styx, ou les promesses, les conventions et les traités Dans un grand nombre de fables ou de fictions poétiques, il est fait mention de ce serment unique par lequel les dieux se haient lorsqu’ils voulaient faire une promesse irrevocable. En faisant ce serment, ils n’attestaient aucune puissance celeste et ne juraient par aucun des attributs divins, mais seulement par le Styx, fleuve des enfers qui, faisant plusieurs révolutions autour du noir empire de Pluton, l’environnait comme une ceinture a plusieurs doubles Cotte formule de serment était toujours employée seule, et on ne la joignait jamais a aucune autre pour lui donner plus de force et la rendre inviolablo, car la peine decernee contro ceux qui la violaient étant celle que les dieux redoutaient le plus, savoir, celle d être exclus du banquet des dieux pendant un certain nombre d’années, elle formait une sanction suffisante Cette fable parait avoir pour objet les conventions et les traites