SAGESSE DES ANCIENS.
Saturne, son fils, lui coupa les parties génitales avec une faux. Ce
fils eut ensuite un grand nombre d’enfants, mais il les dévorait
aussitôt après leur naissance. Enfin Jupiter fut le premier qui put
échapper à sa voracité. Des qu’il fut devenu grand, il précipita Saturne dans le Tartare et prit possession du trône. De plus, il
coupa aussi les parties génitales à son pere, avec la même faux qui avait servi à mutiler son aïeul, et les jeta dans la mer, ce qui donna naissance a Vénus. Quelque temps après, Jupiter, étant à peine affermi sur son trône, eut à essuyer deux guerres mémorables la première contre les Titans, qu’il vainquit par le secours
du Soleil, le seul d’entre eux qui fût de son parti et qui se distingua dans cette guerre ; la seconde contre les Géants, qui furent
aussi défaits et dispersés par les foudres et les armes de Jupiter.
Enfin, quand il eut réduit ces derniers, il régna paisiblement.
Cette fable parait être une sorte d’énigme servant d’enveloppe
à un système sur l’origine des choses peu différent de l’hypothese
adoptée dans la suite par Démocrite, le premier qui ait osé affirmer l’éternité de la matière et nierl’éternité du monde, en quoi il a un peu plus approché que les autres de la vérité que le Verbe
divin nous a révélée, car nous lisons dans l’Ecriture-Sainte qu'avant les ouvrages des six jours la matière était encore informe et
confuse.
Voici quel est le sens de cette fable. Le Ciel est cette vaste
concavité qui embrasse la totalité de la matière ; Saturne est cette
matière même, qui a ôté à son pere toute faculté d’engendrer ; car
la quantité totale de la matière est toujours la même et n’est susceptible ni d’augmentation ni de diminution. Les agitations et les
mouvements irréguliers de la matière ne produisirent d’abord que
des assemblages confus, incohérents et imparfaits, ce n’étaient en
core pour ainsi dire que des ébauches du monde ; mais dans la
suite des temps se forma un tout plus régulier et susceptible de se
maintenir dans son premier état. Ainsi la première division des
temps est désignée par le règne de Saturne, et lorsque le poète dit
que ce dieu dévorait tous ses enfants, ces paroles indiquent les
fréquentes dissolutions des premiers assemblages et leur courte
durée ; la seconde est figurée par le règne de Jupiter, qui relégua
ces composés si variables et ces formes si passagères dans le Tartare, lieu dont le nom signifie trouble, agitation. Ce lien paraît être
tout l'espace compris entre la région intérieure des cieux et l’interieur de la terre, espace occupe par tout ce qui est variable,
fragile, mortel et corruptible!; Durant cette première génération
des choses, qui eut lieu pendant le règne de Saturne, Venus ne
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