Page:Œuvres de Bacon, II.djvu/71

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réfléchissent à leur conduite habituelle : lorsqu’ils rencontrent des faits rares, ils veulent absolument les expliquer en les rapportant et les assimilant aux faits les plus communs ; quant à ces faits si communs, ils ne sont point du tout curieux d’en connaître les causes, mais ils les admettent purement et simplement comme autant de points accordés et convenus.

Aussi ne cherchent-ils jamais les causes ni de la pesanteur, ni du mouvement de rotation des corps célestes, ni de la chaleur, ni du froid, ni de la lumière, ni de la dureté, ni de la mollesse, ni de la ténuité, ni de la densité, ni de la liquidité, ni de la solidité, ni de la nature des corps animés ou inanimés, ni de celle des parties similaires ou dissimilaires, ni enfin de celle du corps organisé mais ils admettent tout cela comme autant de vérités évidentes et généralement reçues, se contentant de disputer et de porter un jugement sur les autres phénomènes qui sont moins fréquents et moins familiers.

Pour nous, n’ignorant pas qu’il est impossible de porter un jugement sur les choses rares et remarquables, et qu’on ne peut encore moins faire de vraies découvertes sans avoir au préalable cherché et trouvé les causes des choses plus communes et les causes de ces causes ; nous sommes en conséquence obligé de donner place dans notre histoire a des choses très vulgaire. Nous voyons même que rien n’a plus nui à la philosophie que cette disposition naturelle qui fait que les choses fréquentes et familières n’ont pas le pouvoir d’éveiller et de fixer l’attention des hommes, et qu’ils les regardent comme en passant, peu curieux d’en connaître les causes ; en sorte qu’on a beaucoup moins souvent besoin de les exciter à s’instruire de ce qu’ils ignorent qu’à fixer leur attention sur les choses connues.

CXX. Quant aux objets qu’on traite de vils et de bas, objets pourtant auxquels Pline veut qu’on commence par rendre hommage, ils ne méritent pas moins que les plus brillants et les plus précieux de trouver place dans une histoire naturelle, et cette histoire ne contracte pour cela aucune souillure ; de même que le soleil pénètre dans les cloaques ainsi que dans les palais, et n’en est point souillé. Pour nous, notre dessein n’étant point d’élever une sorte de pyramide bu de fastueux monuments à l’orgueil de l’homme ; mais de jeter dans son esprit les fondements d’un temple consacré à l’utilité commune et bâti sur le modèle de l’univers même ; quelque objet que nous puissions décrire, nous ne faisons en cela que copier fidèlement l’original : car tout ce qui est digne de l’existence est aussi digne de la science, qui est l’image de la