réalité. Or les plus vils objets existent tout aussi réellement que les plus nobles. Disons plus : de même que de certaines matières putrides, telles que le musc et la civette, s’exhalent des odeurs très-suaves, de même c’est souvent des objets les plus vils et les plus repoussants que jaillit la lumière la plus pure et que découlent les connaissances les plus exactes. Mais en voilà beaucoup trop sur ce sujet, un dégoût de cette espèce n’étant pardonnable qu’à des femmes ou à des enfants.
CXXI. Mais il se présente une autre objection qui demande un peu plus de discussion. Telles observations et telles vues que nous avons insérées dans notre histoire naturelle, offertes à un esprit vulgaire, et même à toute espèce d’esprits trop accoutumés aux sciences reçues, pourront paraître d’une subtilité recherchée, et plus curieuses qu’utiles. Aussi est-ce à cette objection que nous avons d’abord répondu, et que nous allons répondre encore. Or, cette réponse, la voici : ce que nous cherchons dans les commencements et seulement pour un temps, ce sont les expériences lumineuses, et non les expériences fructueuses, imitant en cela, comme nous l’avons dit aussi, la marche de l’auteur des choses, qui le premier jour de la création ne produisit que la lumière, consacra à cette œuvre ce jour tout entier, et ne s’abaissa à aucun ouvrage grossier.
Qu’on ne dise donc plus que ces observations si fines ne sont d’aucun usage ; autant vaudrait, de ce que la lumière n’est point un corps solide ou composée d’une substance grossière, inférer qu’elle est inutile. Disons au contraire que la connaissance des natures simples, bien analysées et bien définies, est semblable à la lumière ; qu’en nous frayant la route dans les profondeurs de la pratique, et nous montrant les sources des principes les plus lumineux, elle embrasse ainsi, par une certaine puissance qui lui est propre, et traîne après soi des multitudes et comme des légions de procédés utiles et de nouveaux moyens, quoiqu’en elle-même elle ne soit pas d’un fort grand usage. De même les lettres de l’alphabet, prises en elles-mêmes et considérées une à une, ne signifient rien et sont presque inutiles, ce sont elles pourtant qui composent tout l’appareil du discours ; elles en sont les éléments, et comme la matière première. C’est encore ainsi que les semences des choses, dont l’action est si puissante, ne sont d’aucune utilité, sinon au moment où, déployant cette action, elles opèrent le développement des corps. Enfin, quand les rayons de la lumière elle-même sont dispersés ; si l’on ne sait les réunirent, on ne jouit point de ses heureux effets.