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Page:Œuvres de Blaise Pascal, I.djvu/136

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BIOGRAPHIES

necessitez ; et nous luy en faisions la proposition ; mais il ne trouvoit pas cela bien, et il disoit que nous n’estions pas appelez au general mais au particulier ; et qu’il croyoit que la maniere de servir les pauvres la plus agreable à Dieu estoit de servir les pauvres pauvrement, c’est à dire selon son pouvoir, sans se remplir de ces grands desseins qui tiennent de cette excellence dont il blamoit la recherche en toutes choses ; aussi bien que l’esprit et la pratique. Ce n’est pas qu’il trouvast mauvais l’establissement des hospices generaux[1] ; mais il disoit que ces grandes entreprises estoient reservées à de certaines personnes que Dieu y destinoit, et qu’il conduisoit quasi visiblement ; mais que ce n’estoit pas la vocation commune de tout le monde, comme l’assistance particuliere et journaliere des pauvres.

Il eust bien voulu que je me fusse consacré à leur rendre un service ordinaire que je m’imposasse comme punition de ma vie. Il m’y exhortoit avec grand soin, et à y porter mes enfants. Et quand je luy disois que je craignois que cela ne me destournast du soin de ma famille, il me disoit que ce n’estoit que faute de bonne volonté, et que, comme il y a divers degrez dans l’exercice de cette vertu, on peut bien trouver du temps pour la pratiquer et ne point nuire à ses occupations domestiques, que la charité elle mesme en donne l’esprit, et qu’il n’y a qu’à la

  1. Voir dans le testament de Pascal (3 août 1662) les deux legs faits à l’hôpital général de Paris et à l’hôpital général de Clermont. L’hôpital général de Paris avait été fondé dans les années 1655–1657, par l’agrandissement de l’Hôtel-Dieu, auquel le roi avait réuni les deux châteaux de Bicêtre et de la Salpêtrière. Cette fondation avait été favorisée par Mazarin ; mais l’initiative de la réorganisation venait de Saint Vincent de Paul, et c’est à lui sans doute que fait allusion la conversation rapportée par Mme Perier.