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BLAISE PASCAL

suivre ; il disoit qu’il ne falloit point de marque particuliere pour sçavoir si l’on y estoit appelé, que c’estoit la vocation generale de tous les Chrestiens, puisque c’estoit sur cela que Jesus Christ jugeroit le monde ; que c’estoit assez que les besoins fussent [connus][1] pour nous employer à y satisfaire selon tous les moyens qui sont en nostre pouvoir, et que lors que l’on voioit dans l’Evangile que la seule omission de ce devoir estoit la cause de la damnation eternelle, cette pensée seule estoit capable de nous porter à nous despouiller de tout, et à nous donner cent fois, si nous avions de la foy. Il disoit encore que la frequentation des pauvres estoit extremement utile, par ce que, voiant continuellement la misere dont ils sont accablez, et que souvent mesme ils manquent des choses les plus necessaires, il faudroit estre bien dur pour ne pas se priver volontairement des commoditez inutiles et des ajustements superflus.

Voilà une partie des instructions qu’il nous donnoit pour nous porter à l’amour de la pauvreté, qui tenoit une si grande place dans son cœur. Sa pureté n’estoit pas moindre ; car il avoit un si grand respect pour cette vertu, qu’il estoit continuellement en garde pour empescher qu’elle ne fust blessée le moins du monde soit dans luy, soit dans les autres. Il n’est pas croiable combien il estoit exact sur ce point. J’en estois mesme embarrassée dans les commencements ; car il trouvoit à dire presque à tous les discours qu’on faisoit dans le monde, et que l’on croioit les plus innocents. Si je disois, par exemple, par occasion, que j’avois vu une belle femme, il m’en reprenoit, et me disoit qu’il ne falloit jamais tenir ce

  1. F. : « communs. »