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BLAISE PASCAL

qui edifient la pieté. Toutes choses estoient grandes dans son cœur quand elles servoient à honorer Dieu, il les pratiquoit comme un enfant. Son principal divertissement surtout dans les dernieres années de sa vie, où il ne pouvoit travailler, estoit d’aller visiter les Eglises, où il y avoit des reliques exposées, ou quelque solemnité ; et il estoit fourni exprez d’un almanach spirituel qui l’instruisoit des lieux où se trouvoient toutes les devostions ; mais cela si devostement et si simplement, que ceux qui le voyoient en estoient surpris ; et entre autres, une personne tres vertueuse et tres eclairée s’en explique par cette belle parole : Que la grace de Dieu se fait connoistre dans les grands esprits par les petites choses, et dans les esprits communs par les grandes.

Il avoit un amour sensible pour l’Office (c’est-à-dire les prieres du Breviaire) et s’assujettissoit à le dire autant qu’il le pouvoit ; mais surtout les petites heures qui sont composées du Psaume cent dix huitieme, dans lequel se trouvoit tant de choses admirables qu’il sentoit tousjours une nouvelle joye à le reciter[1]. Quand il s’entretenoit avec ses amis de la beauté de ce Psaume, il en estoit transporté, et enlevoit comme luy mesme tous ceux à qui il en parloit. Quand on luy envoyoit tous les mois un billet, comme on fait en plusieurs endroits, il le lisoit, et le recevoit avec beaucoup de respect, ne manquant pas tous les jours de lire la sentence. Il en estoit ainsy de toutes les

  1. Texte de 1684 : « Et quand il s’entretenoit avec ses amis de la beauté de ce psaume, il se transportoit en sorte qu’il paraissoit hors de luy mesme ; et cette meditation l’avoit rendu si sensible à toutes les choses par lesquelles on tasche d’honorer Dieu, qu’il n’en negligeoit pas une. Lorsqu’on luy envoyoit des billets tous les mois, comme l’on fait en beaucoup de lieux, il les recevoit avec un respect admirable… »