ter les miserables. Je garde fidelité à tout le monde. Je ne rends pas le mal à ceux qui m’en font, mais je leur souhaitte une condition pareille à la mienne, où l’on ne reçoit pas le bien ny le mal de la[1] part des hommes. J’essaye d’estre toujours sincere, veritable et fidelle à tous les hommes, et j’ay une tendresse de cœur pour ceux à qui Dieu m’a uni plus estroitement ; et[2] quoy que je sois fort à la vuë des hommes, j’ay en toutes mes actions la vuë de Dieu qui les doit juger, et à qui je les ay toutes consacrées. Voilà quels sont mes sentiments ; et j’en benis tous les jours mon Redempteur qui les a mis en moy et qui, d’un homme plein de foiblesse, de misere, de concupiscence, d’ambition, d’orgueil a fait un homme exempt de tous ces maux par la force de sa grandeur[3] à laquelle toute la gloire est duë, n’ayant de moy que la misere et l’erreur. »
On pourroit sans doute ajouter beaucoup de choses à ce portrait, si on vouloit l’achever dans sa derniere perfection ; mais, laissant aux autres, plus capables que moy, d’y mettre les derniers traits, qui n’appartiennent qu’aux maistres, j’ajouteray seulement que cet homme si grand en toutes choses, estoit simple comme un enfant pour ce qui regarde la pieté. Ceux qui le voioient d’ordinaire en estoient surpris. Non seulement il n’y avoit ny façon ny hypocrisie dans sa maniere d’agir ; mais comme il sçavoit s’eslever dans la penetration des plus hautes vertus, il sçavoit s’abaisser dans la pratique des plus communes