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JACQUELINE PASCAL

sortoit point du tout que pour aller à l’Eglise et pour prendre ses repas, et sans que personne de la maison y entrast[1] ; de sorte que moy-mesme, quand j’avois quelque chose à luy dire, il falloit que je fisse un petit agenda ou quelque marque pour me souvenir de le luy dire, ou quand elle viendroit manger, ou quand nous irions à l’eglise où nous allions tousjours ensemble, et c’estoit le tems où j’avois le plus d’occasion de lui parler, qui estoit bien court, car nous n’avions pas grand chemin à faire. Ce n’est pas qu’elle refusast l’entrée de sa chambre ny à moy ny à personne, ny qu’elle refusast son entretien ; mais c’est que, quand on la detournoit pour luy parler de choses qui n’estoient pas tout à fait necessaires, on s’apercevoit que cela la contraignoit et l’ennuyoit si fort qu’on esvitoit tant qu’on pouvoit de luy faire cette peine.

Il y avoit à Clermont un Pere de l’Oratoire[2] dont la vie estoit exemplaire. Ce bon homme venoit voir ma sœur assez souvent, et elle y prenoit plaisir, parce qu’il luy faisoit discours d’edification. Ce bon Pere luy dit un jour

  1. Les lettres de la mère Agnès à Jacqueline Pascal montrent quelles étaient à cette époque ses relations avec Port-Royal. Voir ci-dessous, t. II, p. 419 sqq. Le ms. 12988 contient aussi, p. 323, la copie d’une lettre qu’un médecin de ses amis, M. de Laporte, adressait de Paris à M. Perier le 3 novembre 1649. Il parle du sermon prêché par M. Singlin le jour de la Saint-Augustin, et de l’interdiction qui lui avait été signifiée par le Promoteur de l’Archevêque de Paris. Il termine sa lettre par ces réflexions intéressantes : « M. le Coadjuteur et M. de Gondy favorisent sa cause, ce qui, joint avec le bon droit, nous en fait espérer un bon succès. Jamais tant de personnes ne se sont déclarées pour la vérité, comme depuis qu’on a voulu la condamner, et nos ennemis qui nous menacent du feu et du sang, n’osent rien dire quand il s’agit de disputes et d’éclaircissements. »
  2. Victor Cousin : « fort homme de bien ».