Page:Œuvres de Blaise Pascal, I.djvu/228

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
180
ŒUVRES

supposé que la pesanteur reside au corps mesme, vous trouverez plus de gens qui croiront que l'advantage est de la part de celuy qui est plus proche du centre commun que l’autre : ce qui toutes fois est directement contre vostre supposition.

Et ne sert de rien d’alléguer le centre de pesanteur du corps AB, lequel centre, selon les anciens, est au milieu C : car ce centre n’a esté demonstré que quand la descente des poids se fait par des lignes paralelles, ce qui n’est pas. Et, quand il y auroit un tel point, ce qui ne peut estre aux corps qui tiennent à un mesme centre commun, il n’a pas esté demonstré et ne prouveroit aucunement que ce seroit ce point là par lequel le corps s’uniroit au centre commun. Mesme cela, pour les raisons précédentes, répugne à nostre commune connoissance en plusieurs figures.

En tout cas, nous ne voyons pas que ce centre commun des anciens doive estre considéré autre part qu’aux poids qui sont pendus ou soustenus hors du lieu auquel ils aspirent[1].

Quant à la comparaison qui vous a esté faite du levier horizontal, lequel, estant pressé horizontalement aux deux bouts par deux forces ou puissances égales, demeure en mesme estât qu’il est, elle nous semble entièrement sem-

  1. Roberval et Etienne Pascal touchent ici au nœud de la question. Il est à remarquer que Fermat lui-même avait aperçu les difficultés dont les définitions scolastiques du centre de gravite sont entachées. « On voit, écrit-il, que toutes les définitions du centre de gravité données par les anciens gisent à terre ; si l’on excepte la sphère il n’est aucun corps où l’on puisse trouver un point déterminé tel que ce grave, suspendu par ce point en dehors du centre de la terre, demeure en équilibre indifferent. » (Œuv. de Fermat, II, p. 25.) Mais, au lieu d’abandonner résolument la doctrine aristotélicienne du centre de gravité, Fermat s’était contenté de la modifier.