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LETTRE DE PASCAL A M. LE PAILLEUR 203

dans lequel il la fait plaindre de l'opinion du vuide, comme d'une calomnie ; et sans qu'elle luy en ait tesmoigné son ressentiment, ni qu'elle luy ait donné charge de la défendre, il fait fonction de son avocat. Et en cette qualité, il assure de montrer l'im- posture et les fausses dépositions des tesmoins qu'on luy confronte — c'est ainsy qu'il appelle nos expériences — et promet de donner tesmoin contre témoin, c'est à dire expérience pour expérience, et de démontrer que les nostres ont esté mal reconnues, et encore plus mal avérées. Mais dans le corps du livre, quand il est question d'acquitter ces grandes promesses, il ne parle plus qu'en doutant ; et après avoir fait espérer une si haute vengeance, il n'apporte que des conjectures au lieu de convictions. Car dans le 3° chapitre, où il veut establirque c'est un corps, il dit simplement qu'il trouve beaucoup plus raison- nable de dire que c'est un corps ' . Quand il est question

��I. Cf. le début du paragraphe III : « Conclusion de ce que dessus. Tout ce que dessus meurement considéré, je croy qu'il faut plus- tost conclure pour l'entrée ou la demeure de quelque corps qui rem- plisse tout cet espace, et qui ait le pouvoir de retenir et faire monter le vif argent, de retarder son mouvement, de soustenir et transmettre la lumière ; que pour le vuide, qui n'est que la ruine des corps, estant leur privation, qui n'est qu'un vray néant, et, par suite nécessaire, sans différences, sans parties, sans longueur, sans largeur, sans pro- fondeur, sans mouvement, sans action. C'est pourquoy je treuve beaucoup plus raisonnable d'avouer qu'en cet espace il y a un corps, <juoy que sa nature nous soit cachée, que de nier qu'il y en ait, pour ne pas sçavoir quel il est : je ne sçay pas quelle distance il y a entre Saturne et les Estoiles ; donc il n'y en a point. Cette conséquence est mal tirée. De mesme, je ne cognois pas le corps qui est entré ou de- meuré dans cet espace, qu'a quitté le vif argent ; donc il n'y en a

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