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Page:Œuvres de Blaise Pascal, III.djvu/135

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DISCOURS SUR LES PASSIONS DE L’AMOUR

L’homme est né pour penser[1]  ; aussi n’est-il pas un moment sans le faire ; mais les pensée pures[2], qui le rendroient heureux s’il pouvoit tousjours les soutenir, le fatiguent et l’abbatent. C’est une vie unie à laquelle il ne peut s’accommoder ; il luy faut du remuement et de l’action, c’est à dire qu’il est nécessaire qu’il soit quelquesfois agité des passions, dont il sent dans son cœur des sources si vifves et si profondes.

Les passions qui sont le [3] plus convenables à l’homme, et qui en renferment beaucoup d’autres,

  1. Voir la page 4 du manuscrit des Pensées : « L’homme est visiblement fait pour penser… » (Sect. II, fr. 146.)
  2. La terminologie du Discours est toute cartésienne. Cf. la première définition donnée par Descartes à la fin de ses Réponses aux Secondes Objections : « Par le nom de pensée, je comprens tout ce qui est tellement en nous, que nous en sommes immédiatement connoissans. Ainsi toutes les opérations de la volonté, de l’entendement, de l’imagination et des sens, sont des pensées. Mais j’ay adiousté immédiatement, pour exclure les choses qui suivent et dépendent de nos pensées : par exemple le mouvement volontaire a bien, à la vérité, la volonté pour son principe, mais luy-mesme neantmoins n’est pas une pensée. » (Les Méditations métaphysiques, trad. Clerselier, 1647, A T, t. IX, p. 124.)
  3. Nous donnons les variantes que fournit la comparaison des deux copies ; nous désignerons par C le manuscrit étudié par Victor Cousin, par G le manuscrit signalé par MM. Gazier et Giraud. Nous avons contrôlé et complété notre collation à l’aide de celle que M. Giraud avait faite avant nous, et dont il nous a fort aimablement communiqué les résultats.
    C : les.