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RELATION DE JACQUELINE PASCAL 63

n'estoient rien moins que toutes ces choses, et que je leur fisse seulement voir qu'on n'estimoit pas assez un petit avantage temporel pour le juger digne de faire différer une chose aussy importante pour une ame qu'est la consécra- tion totale et solennelle qu'elle veut faire à Dieu d'elle mesme.

Cette lettre, qui ne pouvoit pas estre courte, m'ayant occupée presque jusques au soir, je ne peus voir nostre Mère ce jour là. Mais le lendemain elle fit assembler tout le noviciat pour la veoir, comme vous sçavez qu'elle fait tousjours lorsqu'elle arrive de P. R.^ Je m'y trouvay comme les autres, et la saluant à mon tour, je ne peus m'empescher de luy dire que j'estois la seule qui fust triste parmi toutes nos sœurs, qui avoient grande joye de la veoir.

« Quoy, me dit-elle, ma fille, est-il possible que vous soyez encore triste ? ^ Ne sçaviez-vous pas, il y a longtemps, qu'il ne faut jamais s'asseurer à l'amitié des créatures, et que le monde n'ayme que ce qui est sien ? N'estes vous pas bien heureuse que Dieu vous fasse connoistre cela clairement en la personne de ceux dont vous le deviez moins attendre, pour vous oster tout le sujet d'en douter avant que vous les quittiez tout à fait, afin que vous fas- siez cette action avec plus de courage et pour vous en faire une espèce de nécessité qui vous rende inébranlable dans la resolution que vous en avez prise ; puisque vous pouvez dire que vous n'avez plus personne en quelque sorte. -^ Je luy respondis en pleurant, qu'il ne sembloitpas que

��1. De Port-Royal des Champs. C'est vers le 20 mai que la mère Angélique vint à Port-Royal de Paris ; elle y resta jusqu'au samedi 7 juin. Voir les Lettres de la mère Acjnes, i858, t. I, p. 260 n^ i et 262 no 2.

2. Texte imprimé: « N'estiez-vous pas préparée à ce que vous veoyez ? »

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