Page:Œuvres de Blaise Pascal, III.djvu/89

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

RELATION DE JACQUELINE PASCAL 73

n'est ce pas moins que rien ? Il est vray que le bien est nécessaire à la vie : mais dans la vérité, il arrive rarement qu'on en manque assez pour tomber dans une véritable né- cessité ; et c'est cupidité que d'en demander pour le superflu. Quand Dieu en envoyé par des voyes légitimes, on le peut recevoir, parce qu'on ne sçauroit entièrement s'en passer; mais quand il permet qu'on nous en oste mesme du nostre, en vérité il s'en faut resjouyr. Feu M. de S. Gyran'disoit que les richesses sont dans le monde comme les humeurs peccantes du corps, qui se jettent tousjours avec plus d'abondance sur la partie la plus foible et la plus susceptible de mal. C'est pour quoy c'est un mau- vais préjugé pour une personne quand on voit que le bien luy vient en abondance de tous costez. De sorte que vous n'avez rien tant à craindre pour cette Maison que de veoir qu'elle s'enrichisse beaucoup, et souvenez vous en bien, s'il vous plaist. Vous estes jeune, et vous pouvez veoir en d'autres des choses semblables à ce qui se passe maintenant en vostre personne et en vos affaires. Gela me donne grande joye de tout ce qui s'est fait ; car au moins, si jamais on se servoit de vostre conseil en une rencontre pareille, vous apprendriez à faire aux autres ce qu'on vous a fait.

« Escrivez donc encore à vos parens, et surtout à celle que vous sçavez qui a le plus de tendresse pour vous, et luy tesmoignez toute l'amitié possible dans une grande ouverture de cœur, afin qu'ils reconnoissent tous que c'est avec une entière sincérité, et seulement de peur de les blesser, que vous vous estes desmise de la disposition de votre bien, et que vous ne pensez plus du tout à tout cela ; et quand celuy qui doit arriver bien tost sera venu, parlez luy aussy de la mesme sorte sans luy faire le moindre mauvais visage de tout ce qui s'est passé, pour

�� �