Page:Œuvres de Blaise Pascal, III.djvu/94

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78 ŒUVRES

« Voila un sentiment qui fait bien veoir, me dit elle en souriant, que vous vous regardez encore comme apparte- nant plus à vostre famille qu'à celle cy, puisque vous estes jalouse de leur honneur et de leur avantage au pré- judice du nostre. » Et puis rentrant dans le sérieux : i( Veoyez-\ous, dit-elle, ma fille, il est certain que la cha- rité que vous devez à vos proches vous doit faire désirer qu'ils se rendent à la raison, mais en toutes choses, et non pas simplement en ce qui nous regarde ; autrement, ce seroit un effet de cupidité et non pas de charité ; et au contraire, s'il estoit nécessaire qu'ils fissent injustice à quelqu'un, desirez plustost que ce soit à nous qu'à d'au- tres, parce que premièrement, quoy que par la grâce de Dieu nous ne soyons pas riches, aussy ne sommes nous pas assez en nécessité pour* que cela nous fasse souffrir. Vous veoyez qu'il ne nous manque rien ; c'est de cela que nous devons avoir de confusion, nous qui faisons pro- fession de pauvreté. Mais, outre '^ cela, c'est que dans la vérité notre avantage, à nous, est qu'on nous mesprise, qu'on nous rebutte, qu'on nous calomnie, qu'on nous fasse des injustices. Ce n'est pas que nous souhaittions que tout cela nous arrive, ny que nous deussions le procurer ^ parce que ce seroit manquer de charité envers ceux qui le feroient, puis qu'il y auroit du pesché de leur part ; mais quant à nous, c'est un bonheur très grand ; de sorte que, lorsque Dieu permet qu'il nous arrive, nous devons

��I. « Ne nous pouvoir passer de cela vous veoyez qu'il ne nous manque rien, nous ne souffrons aucun besoin véritable (dont nous devons avoir une >Ta}e confusion devant Dieu. « 

3. « tout cela c'est de cela, c'est que nostre avantage à nous, c'est d'cstre maltradtées en toute chose, qu'on nous mesprise...

4- « quand il seroit en nostre pouvoir. »

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