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RELATION DE JACQUELINE PASCAL 81

aussy fortement enracinée dans une ame qu'elle est dans la sienne, c'est elle qui y règle tout : elle y opère tout, elle y produit jusques aux moindres de ses mouvemens et de ses pensées, et n'obmet rien de tout ce qui peut donner des preuves de l'heureux empire qu'elle y exerce, et cela dans les actions les plus naturelles et le moins délibérées, parce qu'elle luy tient lieu d'une se- conde nature, après s'estre rendue maistresse de la pre- mière. Vous sçavez que cela paroist clairement dans toute la conduite de nos Mères ; mais je puis dire avec vérité que je ne Fay jamais mieux remarqué qu'en cette rencontre. Je ne sais si cela vient de ce que je ne les ay veuës en affaires que cette seule fois, ou de ce qu'on est tous- jours plus affecté de ce qui nous regarde.

Il me semble, ma Mère, que j'ay le bien d'estre assez connue de vous pour vous figurer combien, au milieu de toute ma douleur, je sentois de joye de me veoir confir- mée avec tant de certitude, puisque c'estoit par ma pro- pre expérience, dans les sentimensque j'avois du desinter- ressement de cette Maison et de la pureté de sa conduite. Et neantmoins je ne pouvois du tout me résoudre à lais- ser les choses comme elles estoient. Je la suppliay donc de considérer qu'en différant ma profession de quatre ans, je pouvois estre maistresse de tout comme auparavant, en ajoustant mesme au principal de mon bien l'espargne d'un revenu plus grand qu'il ne pouvoit estre naturelle- ment, à cause d'une pension que mes parens me dévoient faire, en considération de mes donations, et dont la ri- gueur qu'ils me tenoient me dispensoit, ce semble, bien légitimement de les quitter à l'advenir comme j'avois fait jusques alors ; et que la chose estant ainsy, quelque vio- lent et juste que fust le désir que j'avois d'estre professe, qui alloit au delà de toute l'expression que j'en puis faire,

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