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Page:Œuvres de Blaise Pascal, III.djvu/98

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32 ŒUVRES

je croyois neantmoins estre obligée en conscience, et tout interest esté, de faire ce delayement pour me mettre en estât de pouvoir faire justice à la Maison. « Non, me dit elle, ma fille ; au contraire, vous estes obligée en con- science de ne le pas faire*, puis qu'encores qu'il fust en votre pouvoir d'exécuter vos desseins, il ne l'est pas de leur faire agréer. Lorsque vous pensiez que toutes choses fussent en vostre pouvoir, vous avez voulu avoir leur aveu, et vous avez deu le faire, autrement vous leur eussiez donné sujet d'estre choquez. Jugez donc combien ils le seroient, si vous le faisiez malgré eux et par une espèce de violence. S'il se doit faire quelque chose, il faut que ce soit eux qui le fassent de leur propre mouvement, sans qu'il y ayt rien du vostre. » — Mais, luy respondis je, ma Mère, du moins permettez moy de les en menacer pour veoir l'effet que cela fera. — « Non, dit-elle, ma fille, gar- dez-vous en bien ; vous destruiriez tout ce que vous voulez faire par votre démission. Vous devez laisser toutes choses comme elles sont, et vous estes obligée de préférer le repos de leur esprit et la paix à tout autre interrest, pour ne pas faire céans ce que vous feriez dans les lieux dont

��I. « Car ne veoyez-vous pas bien qu'encore que vous eussiez tout pouvoir d'exécuter vos desseins, il n'est pas pourtant en vostre pouvoir de faire qu'il les agréent ? Je n'ay jamais douté de cela ; je sçay fort bien qu'à la rigueur personne ne vous peut empescher de faire tout ce que vous voulez de vostre bien. ^lais je n'ay point eu d'égard à ce que vous pouvez, je ne regarde qu'à ce que vous devez faire : voilà toute la question, et je ne fais point de doute que vous ne soyez obli- gée, je dis indispensablement, à procurer la paix de leur esprit autant que vous le pourrez, et à ne rien faire qui les choque. Lorsque vous pensiez que toutes choses fussent en vostre pleine disposition sans y prévoir aucune difficulté, vous avez neantmoins voulu avoir leur adveu pour faire ce que vous desiriez, et vous avez deu le faire ; autrement vous leur eussiez donné sujet de s'offenser, et en effet c'est pour cela que vous l'avez fait. Jugez donc... »

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