Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/367

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QUATRIÈME PROVINCIALE 257

Et quoy, mon Pere, luy repartis-je, est-ce là l’heresie des Jansenistes, de nier qu’à chaque fois qu’on fait un peché, il vient un remords troubler la conscience, malgré lequel on ne laisse pas de franchir le sault et de passer outre, comme dit le P. Bauny ? c’est une assez plaisante chose d’estre Heretique pour cela. Je croyois bien qu’on fust damné pour n’avoir pas de bonnes pensées, mais qu’on le soit pour ne pas croire que tout le monde en a, vrayement je ne le pensois pas 1 . Mais mon Pere, je me tiens obligé en conscience de vous desabuser, et de vous dire qu’il y a mille gens qui n’ont point ces desirs ; qui pechent sans regret, qui pechent avec joye, qui en font vanité. Et qui peut en sçavoir plus de nouvelles que vous ? Il n’est pas que vous ne confessiez quelqu’un de ceux dont je parle 2 : car c’est parmy les personnes de grande qualité qu’il s’en rencontre d’ordinaire. Mais prenez garde, mon Pere, aux dangereuses suittes de vostre maxime. Ne remarquez-vous pas quel effet elle peut faire dans ces libertins qui ne cherchent qu’à douter de la Religion? Quel pretexte leur en offrez-vous, quand vous leur dites comme une verité de foy qu’ils sentent à chaque péché qu’ils commettent un avertissement et un desir intérieur de s’en abstenir. Car n’est-il

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1. Cf. ces notes prises par Pascal (Pensées, fr. 925, T. III, pp.355-356). « Plaisant d’estre hérétique pour cela. » — « Je croyois bien qu’on fut damné pour n’avoir pas eu de bonnes pensées, mais pour croire que personne n’en a, cela m’est nouveau. »

2. Cf. pour cette allusion et pour la discussion qui suit, l’ Apologie pour les Saints Pères, supra p. 240 sqq.

2e série. I 17