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258 ŒUVRES

pas visible qu’estant convaincus par leur propre experience de la fausseté de vostre doctrine en ce poinct que vous dites estre de foy, ils en estendront la consequence à tous les autres. Ils diront que si vous n’estes pas veritables en un article vous estes suspects en tous : et ainsi vous les obligerez à conclure, ou que la Religion est fausse, ou du moins que vous en estes mal instruits.

Mais mon second soutenant mon discours luy dit. Vous feriez bien, mon Pere, pour conserver vostre doctrine, de n’expliquer pas aussi nettement que vous nous avez fait, ce que vous entendez par grace actuelle. Car comment pourriez- vous declarer ouvertement sans perdre toute creance dans les esprits : Que personne ne peche qu’il nayt auparavant la connoissance de son infirmité, celle du Medecin, le desir de la guerison et celuy de la demander à Dieu. Croira-t’on sur vostre parole, que ceux qui sont plongez dans l’avarice, dans l’impudicité, dans les blasphèmes, dans le duel, dans la vengeance, dans les vols, dans les sacrileges, ayent 1 des veritables desirs d’embrasser la chasteté, l’humilité, et les autres vertus Chrestiennes ?

Pensera-t’on que ces Philosophes, qui vantoient si hautement la puissance de la nature, en connussent l’infirmité et le Medecin 2 ? Direz-vous que ceux qui soutenoient comme une maxime assurée que

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1. B. [véritablement le desir].

2. Cf. dans l’ Apologie pour les Saints Pères, supra p. 237 sq. les textes de Cicéron et de Sénèque que Pascal a condensés en courtes formules.