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344 ŒUVRES

son honneur ; Vespres finies, on chanta les hymnes et les prieres convenables à la sainte couronne d’epines et au mystere douloureux de la Passion. Aprés quoy elles allerent, chacune en leur rang, baiser la relique. Les religieuses professes les premieres, ensuitte les novices, et les pensionnaires aprés. Quand ce fut le tour de la petite Perier, la maitresse des pensionnaires, qui s’estoit tenue debout auprés de la grille pour voir passer tout ce petit peuple, l’ayant aperçüe ne put la voir defigurée comme elle estoit sans une espece de frissonnement meslé de compassion, et elle luy dit: « Recommandez-vous à Dieu, ma fille, et faites toucher vostre œil malade à la Sainte-Epine. » La petite fille fit ce qu’on luy dit, et elle a depuis declaré qu’elle ne douta point, sur la parole de sa maistresse que la Sainte-Epine ne la guerit 1.

Aprés cette ceremonie, toutes les autres pensionnaires se retirerent dans leur chambre, et elle dans la sienne. Elle n’y fut pas plus tost qu’elle dit à sa compagne : « Ma sœur, je n’ay plus de mal ; la Sainte Epine m’a guerie ! » En effet sa compagne, l’ayant regardée avec attention, trouva son œil gauche tout aussi sain que l’autre, sans tumeur, sans matiere, et mesme sans cicatrice....

Cependant parce que c’estoit l’heure du silence...., ces deux jeunes filles se tinrent dans leur chambre et se coucherent sans dire un seul mot à personne. Le lendemain matin, une des religieuses, employée auprés des pensionnaires vint pour peigner la petite Perier, et, comme elle apprehendoit de luy faire mal, elle evitoit, comme à son ordinaire,

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1. Le 27 juillet 1656, la sœur Catherine de sainte Flavie écrivait à Pontchâteau : « Pour ce qui est, Monsieur, de ce que vous desirez savoir de moy touchant le miracle de notre petite, je vous diray que je n’avois aucun mouvement de demander à Dieu sa guerison, mais seulement que luy faisant baiser la sainte Relique et voyant son œil extraordinairement mal, je pensay que Dieu estoit assez bon et assez puissant pour la guerir, sur cela me confiant en Dieu, je luy fis toucher à l’œil et n’y pensay plus. Voila ce que je vous puis dire. »