Page:Œuvres de Blaise Pascal, IV.djvu/68

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Le grief des Provinciales est encore plus profond. Non seulement l’abus de la discussion verbale a fait perdre de vue la réalité psychologique et morale; mais il est arrivé qu’en faisant entrer ces discussions dans le cadre de la théologie, on leur a donné une apparence trompeuse de sainteté : de sorte que le progrès de la nouvelle casuistique aboutit à placer la règle qui s’autorise du Christ au-dessous de ce qu’aurait prescrit la conscience simple et droite de l’honnête homme. Le génie moral de Pascal ne se lasse pas de dénoncer « cet horrible renversement 1 » : les Casuistes se souviennent des exigences de la loi civile après avoir méconnu les lois de la religion ; ils osaient braver Dieu, ils reculent devant la crainte des juges 2 . Là se trouve le principe décisif du discernement entre les Jésuites et leurs adversaires ; là se trouve le secret de l’action exercée par les Provinciales.

En 1694, le P. Daniel écrit, dans le premier des Entretiens : « Eudoxe... Ce livre seul a fait plus de Jansenistes que l’Augustin de Jansenius, et que tous les ouvrages de M. Arnauld ensemble. — Ce livre a fait plus encore, ajousta Cleandre. Il a formé comme un tiers parti en France, qui sera le mien, supposé que Montalte n’en impose point aux Jésuites. C’est le parti de ceux qui ayant horreur des nouveautez, dans les disputes de la Grace, et dans les autres points contestez, se soumettent de bonne foy à l’Eglise, sans chicaner par les distinctions peu sinceres du Fait et du Droit ; et ne peuvent aussi souffrir le relaschement de la Morale que l’on reproche aux Jésuites 3 . »

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1. Treizième Provinciale, infra T. VI, p. 37.

2. Sixième Provinciale, infra T. V, p. 51.

3. p. II. Le P. Rapin parle du « suffrage forcé de la plupart des