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Page:Œuvres de Blaise Pascal, IX.djvu/236

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croyez d’ailleurs que, pour avoir l’esprit juste et ne pas faire un faux raisonnement, il vous suffit de suivre vos Figures sans vous en éloigner, et je vous jure que ce n’est presque rien non plus que cet art de raisonner par les règles, dont les petits esprits et les demi-Savans font tant de cas. Le plus difficile et le plus nécessaire pour cela dépend de pénétrer en quoy consistent les choses qui se présentent, soit qu’on veuille les opposer, ou les comparer, ou les assembler, ouïes séparer, et dans le discours en tirer ^[des] conséquences bien justes. Vos nombres ny ce raisonnement Artificiel ne font pas connoistre ce que les choses sont : il faut les étudier par une autre voye, mais vous demeurerez toujours dans les erreurs où les fausses démonstrations de la Géométrie vous ont jette, et je ne vous croiray point tout-à-fait guéri des Mathématiques tant que vous soutiendrez que ces petits corps dont nous disputâmes l’autre jour se peuvent diviser jusques à l’infini.

Ce que vous m’en écrivez me paroît encore plus éloigné du bon sens que tout ce que vous m’en dites dans nostre dispute. Et que pretendez-vous conclure de cette Ligne que vous coupez en deux également, de cette Ligne Chimérique, dont vous coupez encore une des moitiez, et toujours de mesme jusqu’à l’éternité ; Mais qui vous a dit que vous pouvez ainsi diviser cette Ligne si ce qui la compose est inégal comme un nombre impair ? Je vous apprens que dés qu’il entre tant soit-peu d’infini dans une question elle devient inexplicable, parce que l’esprit se trouble et se confond. De sorte qu’on en trouve mieux la vérité par le sentiment naturel que par vos demonstra-

I. de, dans le texte imprimé.