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Page:Œuvres de Blaise Pascal, IX.djvu/235

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LETTRE DU CHEVALIER DE MERE

A Monsieur Pascal,

Vous souvenez-vous de m’avoir dit, une fois, que vous n’estiez plus si persuadé de l’excellence des Mathématiques ? Vous m’escrivez à cette heure que je vous en ay tout-à-fait desabusé, et que je vous ay découvert des choses que vous n’eussiez jamais veûes si vous ne m’aviez connu^. Je ne sçay pourtant, Monsieur, si vous m’estes si obligé que vous pensez. Il vous reste encore une habitude que vous avez prise en cette Science à ne juger de quoy que ce soit que par vos démonstrations qui le plus souvent sont fausses. Ces longs raisonnemens tirez de ligne en ligne vous empeschent d’entrer d’abord en des connoissances plus hautes qui ne trompent jamais. Je vous avertis aussi que vous perdez par-là un grand avantage dans le monde, car lorsqu’on a l’esprit vif et les yeux fins, on remarque à la mine et à l’air des personnes qu’on voit quantité de choses qui peuvent beaucoup servir, et si vous demandiez selon vostre coutume à celui qui sait profiter de ces sortes d’observations sur quel principe elles sont fondées, peut-estre vous diroit-il qu’il n’en sçait rien, et que ce ne sont des preuves que pour luy . Vous

1 . M, Strowski cite une première édition des Lettres du Chevalier de Meré, 1689, 2 vol. in-12 (Pascal et son temps, T. II, 3^ édition, 1910, p. 249)- Nous reproduisons le texte d’après Les OEuvres de Monsieur le Chevalier de Meré, Tome second qui contient ses Lettres, à Amsterdam, chez Pierre Mortier, Libraire sur le Vygendem, à la ville de Paris, 1692, Lettre XIX, p. 60.

2. Cf. supra T. III, p. io5 et suiv.