222 ŒUVRES
elles ne croissent ni ne diminuent, puis que rien ne se peut créer ni ne se réduire au néant, du moins selon l'ordre de la nature. Chaque petite partie que Dieu voit en elle-même a son estre à part : et ce petit corps pour subsister n'a que faire d'un autre corps, car rien ne sub- sisteroit nécessairement; et tous les corps se pourroient anéantir, puis qu'il n'y en a point qui ne se puisse sépa- rer. Le Monde corporel est composé de ces petits corps qui sont de différente nature ; et quoi qu'ils soient si petits qu'ils ne sont presque rien, cependant à les bien considérer ce sont les seuls dont l'Etre est réel et néces- saire. Car les composez comme un arbre, une fleur, ou un fruit, ne subsistent que par hasard et pour un temps, parce que ces petites parties qui les composent, se sépa- rent comme elles s'assemblent; de sorte que, selon leur diverse nature plus ou moins noble, et leur proportion plus ou moins juste, nous trouvons ce qui s'en compose plus ou moins parfait ; et de là vient, pour ces sortes de choses, tout ce qu'on aime et qu'on admire. Du reste, vous espérez connoistre tout, à force d'étudier le Monde, je veux dire le Monde naturel, dans la simplicité qu'il a plu à Dieu de le créer. Car, pour le Monde artificiel qui dépend des institutions des hommes, vous le négligez à comparaison de l'autre, et je vous en sçay bon gré. Aussi je prends garde que les gens de ce Monde artificiel ne se mettent pas en peine de l'autre, et lorsqu'on leur en parle, c'est un langage qui les surprend. Mais je vous avertis qu'outre ce Monde naturel qui tombe sous la connois- sance des sens, il y en a un autre invisible, et que c'est dans celuy-là que vous pouvez atteindre à la plus haute science. Ceux qui ne s'informent que du Monde corporel jugent pour l'ordinaire fort mal, et toujours grossière- ment, comme Descartes que vous estimez tant, qui ne
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