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DE L ESPRIT GÉOMÉTRIQUE 247

parfaitement véritable, la nature le soutenant au défaut du discours * .

Cet ordre, le plus parfait entre les hommes, con- siste, non pas à tout définir ou à tout demonstrer, ni aussy à ne rien définir ou à ne rien demonstrer, mais à se tenir dans ce milieu de ne point définir les choses claires et entendues de tous les hommes, et de définir toutes les autres ; et de ne point prouver toutes les choses connues des hommes, et de prou- ver toutes les autres. Contre cet ordre pèchent éga- lement ceux qui entreprennent de tout définir et de tout prouver, et ceux qui négligent de le faire dans les choses qui ne sont pas évidentes d'elles mesmes.

C'est ce que la géométrie enseigne parfaitement. Elle ne définit aucune de ces choses, espace, temps, mouvement, nombre, égalité, ny les semblables qui sont en grand nombre, parce que ces termes là dé- signent si naturellement les choses qu'ils signifient, à ceux qui entendent la langue, que l'éclaircissement qu'on en voudroit faire apporteroit plus d'obscurité que d'instruction ^ Car il n'y a rien de plus foible

1. Cf. Pensées, fr. 434, T. II, p. 345: « La nature soutient la raison impuissante, »

2. Ce passage rappelle exactement ce que Descartes écrivait à Mersenne le i6 octobre 1639, à propos du livre de la Vérité de Herbert de Cherbury : « — On peut bien expliquer quid nominls a ceux qui n'entendent pas la langue...; mais on ne peut donner aucune défi- nition de Logique qui ayde à connoistre sa nature. Et je croy le mesme de plusieurs autres choses, qui sont fort simples et se connois- sent naturellement, comme sont la figure, la grandeur, le mouve- ment, le lieu, le tems, etc., en sorte que, lorsqu'on veut définir ces choses, on les obscurcist et on s'embarasse. Car, par exemple, celuy qui se promène dans une sale, fait bien mieux entendre ce que c'est

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