Page:Œuvres de Blaise Pascal, IX.djvu/284

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264 OEUVRES

pourroient opposer, de la mesme sorte, que vingt mille hommes font une armée, quoy que aucun d'eux ne soit armée \ que mille maisons font une ville, quoy que aucune ne soit ville ; ou que les parties font le tout, quoy que aucune ne soit le toat\ ou, pour de- meurer dans la comparaison des nombres, que deux binaires font le quaternaire, et dix dizaines une cen- taine, quoy que aucun ne le soit. Mais ce n'est pas avoir l'esprit juste que de confondre par des compa- raisons si inégales la nature immuable des choses avec leurs noms libres et volontaires, et dépendant du caprice des hommes qui les ont composez. Car il est clair que pour faciliter les discours on a donné le nom d'armée à vingt mille hommes, celuy de ville à plusieurs maisons, celuy de dizaine à dix unitez ; et que de cette liberté naissent les noms d'unité, binaire, quaternaire, dizaine, centaine, differens par nos fantaisies, quoy que ces choses soyent en effet de mesme genre par leur nature invariable, et qu'elles soyent toutes proportionnées entre elles et ne diffé- rent que du plus ou du moins, et quoy que, ensuitte de ces noms, le binaire ne soit pas quaternaire, ny une maison, une ville, non plus qu'une ville n'est pas une maison. Mais encore quoy que une maison ne soit pas une ville, elle n'est pas neantmoins un néant de ville ; il y a bien de la différence entre n'estre pas une chose et en estre un néant.

Car, afia qu'on entende la chose à fond, il faut savoir que la seule raison pour laquelle l'unité n'est pas au rang des nombres est qu'Euclide et les pre-

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