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DE L'ESPRIT GÉOMÉTRIQUE 265

miers auteurs qui ont traitté d'arithmétique, ayant plusieurs proprietez à donner qui convenoient à tous les nombres hormis à l'unité, pour éviter de dire souvent qu'en tout nombre, hors l'unité, telle con- dition se rencontre, ils ont exclu l'unité de la signi- fication du mot de nombre, par la liberté que nous avons déjà dit qu'on a de faire à son gré des défini- tions. Aussi, s'ils eussent voulu, ils en eussent de mesme exclu le binaire et le ternaire, et tout ce qu'il leur eust plu ; car on en est maistre, pourvu qu'on en avertisse : comme au contraire l'unité se met quand on veut au rang des nombres, et les fractions de mesme. Et, en effet, l'on est obligé de le faire dans les propositions générales, pour éviter de dire à chaque fois : en tout nombre, et à Vanité et aux fractions, une telle propriété se trouve ; et c'est en ce sens indefiny que je l'ay pris dans tout ce que j'en ay escrit. Mais le mesme Euclide qui a osté à l'unité le nom de nombre, ce qui luy a esté permis, pour faire entendre neantmoins qu'elle n'est pas un néant, mais qu'elle est au contraire du mesme genre, il définit ainsi les grandeurs homogènes : Les grandeurs, dit- il, sont dites estre de mesme genre, lorsque l'une estant plusieurs fois multipliée peut arriver à surpasser l'au- tre \ Et par conséquent, puisque l'unité peut, estant

��I. Liv. V, déf. IV. Cette propriété des grandeurs homogènes est celle que l'on énonce aujourd'hui sous la forme d'un axiome, appelé axiome d'Archimede. Euclide, qui établissait une distinction radi- cale entre les grandeurs et les nombres, n'aurait pas admis que l'on appliquât à ces derniers le critère qu'il propose pour les gran- deurs.

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