EXTRAIT D'UNE LETTRE DE BLAISE PASCAL
A Mr ET A Mlle DE ROUANNEZ
V. (olim : 3)
....Je ne scay comment vous aurez receu la perte
de vos lettres. Je voudrois bien que vous l'eussiez
prise comme il faut. Il est tems de commencer à
juger de ce qui est bon ou mauvais par la volonté de
Dieu, qui ne peut estre ny injuste ny aveugle, et non
pas par la nostre propre, qui est toujoûrs pleine de
malice et d'erreur[2] . Si vous avez eu ces sentimens,
j'en seray bien content, afin que vous vous en soyez
consolée sur une raison plus solide que celle que
j'ay à vous dire, qui est que j'espere qu'elles se
retrouveront. On m'a déjà apporté celle du 5. et quoy
que ce ne soit pas la plus importante, car celle de
M. du Gas[3] l'est davantage, neanmoins cela me fait
esperer de ravoir l'autre.
Je ne sçay pourquoy vous vous plaignez de ce que je n'avois rien escrit pour vous : je ne vous separe point vous deux, et je songe sans cesse à l'un et à
- ↑ La date de cette lettre est certaine. Elle a été établie par Havet d'après un verset de l'épître lue le XXIIe dimanche après la Pentecôte, verset que Pascal cite vers la fin de sa lettre.
- ↑ Cf. Pensées, fr. 668, T. III, p. 103.
- ↑ Il semble bien que ce soit là un pseudonyme de Singlin, qui dirigeait Mademoiselle de Rouannez et son frère.