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Page:Œuvres de Blaise Pascal, VI.djvu/176

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ŒUVRES

l’autre. Vous voyez bien que mes autres lettres, et encore celle-cy, vous regardent assez. En verité, je ne puis m’empescher de vous dire que je voudrois estre infaillible dans mes jugemens, vous ne seriez pas mal si cela estoit, car je suis bien content de vous, mais mon jugement n’est rien. Je dis cela sur la maniere dont je vois que vous parlez de ce bon cordelier persecuté, et de ce que fait le… Je ne suis pas surpris de voir M. N… s’y interesser, je suis accoutumé à son zele, mais le vostre m’est tout à fait nouveau ; c’est ce langage nouveau que produit ordinairement le cœur nouveau[1]. Jesus-Christ a donné dans l’Evangile cette marque pour reconnoistre ceux qui ont la foy, qui est qu’ils parleront un langage nouveau[2], et en effet le renouvellement des pensées et des desirs cause celuy des discours.

Ce que vous dites des jours où vous vous estes trouvée seule, et la consolation que vous donne la lecture, sont des choses que M. N.... sera bien aise de sçavoir quand je les luy feray voir, et ma sœur[3] aussi. Ce sont assurement des choses nouvelles, mais qu’il faut sans cesse renouveler, car cette nouveauté, qui ne peut deplaire à Dieu, comme le vieil homme ne luy peut plaire, est differente des nouveautez de la terre, en ce que les choses du monde, quelque nouvelles qu’elles soient, vieillissent en du-

  1. Expression biblique, Ezech. xviii, 31 ; xxxvi, 26.
  2. Marc. XVI, 17 : Signa autem eos, qui crediderint hæc sequentur : In nomine meo dæmonia ejicient : linguis loquentur novis.
  3. Jacqueline. — M. N., doit être Singlin.