LETTRE DE JACQUELINE PASCAL 77
ce temps on en a fait une memoire solennelle tous les ans au jeudy plus proche du 24. de ce mois. Il me semble que ce melange de la Sainte Eucharistie avec un des instruments de la Passion et des actions de graces à quoy l’un et l’autre nous oblige, nous represente de grandes choses...
Il n’appartient qu’à Dieu d’agir en Dieu en tirant les plus grands biens des plus grands maux, et la plus grande joye de la croix la plus sensible. Prions-le qu’il nous fasse la grace de nous laisser tousjours conduire en aveugle à un guide si assuré.
Tout le monde murmure contre M. Perier de s’en estre allé dans le temps où il falloit venir. Chacun dit qu’il estoit bien haté, et que cela seroit le mieux du monde s’il estoit present à la ceremonie. Mais la mere Agnes n’est pas de ce sentiment, elle dit que cela est bien mieux ainsi, et que Dieu veut montrer que comme il a bien gueri sa fille sans luy, il n’a que faire de luy pour en publier le miracle. Voilà ce qu’il a gagné à n’avoir pas six jours de patience, et outre cela il a perdu l’exercice de sa charge de verificateur des miracles 1 , qui luy en eust donné, à ce que l’on dit, plus que jamais, parce qu’il s’en fait tres souvent. Je n’en sçay plus à present qu’il n’est pas icy, sinon un qui arriva environ vers la Pentecoste en la personne d’une petite fille qu’on nomme Marie Guerin. Elle fut mise il y a quatre ans chez une fille agée, nommée Madame de Courbe, paroisse de Saint-Severin, qui prend des pensionnaires. Cet enfant, agé de cinq ans et demy, avoit esté placé par des personnes de condition qui ne veulent
_____________________________________________________________
un scapulaire blanc avec une croix d’écarlate (Cf. Racine, Abrégé de l’Histoire de Port-Royal, édition A. Gazier, p. 30).
1 . La Mère Angélique écrivait, le 28 juillet, à la reine de Pologne : « Le pere de nostre petite Sœur (ou Pensionnaire) qui a esté guerie, a grand zele de rechercher la verité de ceux qui disent qu’ils sont gueris. »