Page:Œuvres de Blaise Pascal, VI.djvu/94

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78 ŒUVRES

pas estre nommées, parce qu’elles le font par charité, et cette petite fille ne sçait qui elle est, ny d’où elle est. Cet enfant, des lors, avoit une tres mauvaise senteur au nez, quoy qu’il ne soit point plat, et elle a tousjours augmenté de telle sorte qu’on ne la pouvoit plus souffrir à table commune. On la fit voir à un chirurgien dont j’ay oublié le nom, qui n’eut pas la moindre esperance de la guerir ; de sorte qu’on ne luy faisoit aucun remede que de luy laver la bouche et le nez avec de l’occecrat qu’on luy faisoit respirer, jusqu’à ce que environ la fete de la Pentecoste derniere, Madame de Courbe, à la persuasion de Mademoiselle Pariseau, sa cousine germaine (qui a esté gouvernante de Mademoiselle de Liancourt), et, je croy, de M. Jean le Petit, libraire, son neveu, la mena ceans en devotion à la Sainte Epine. Depuis ce jour-là cette mauvaise odeur cessa si absolument qu’elle n’en avoit aucun reste. Environ huit jours apres elle revint un peu. Sur quoy Madame de Courbe prit dessein de la ramener, et incontinent qu’elle l’eut dit à l’enfant, la mauvaise odeur cessa tout à fait, et n’a aucunement paru. Depuis elles vinrent ceans toutes deux en rendre graces, et on me les fit voir il y a dix ou douze jours. Madame de Courbe, craignant de n’estre pas crue parce qu’on ne la connoissoit point ceans, amena M. le Vicaire de Saint-Severin, qui voulut bien prendre cette peine pour rendre gloire à Dieu et temoignage à la verité.

Un jardinier de nos voisins qui ne nous aimoit pas trop, je ne sçay pourquoy, se trouvant ces jours passez avec M. de Saint Gilles ou quelqu’autre de ces Messieurs, luy dit en son patois, tout en grondant : Je devrois pourtant bien les aimer, car j’ay esté gueri dans leur Eglise d’un grand mal d’oeil, à quoy je ne sçavois plus que faire. Je suis le second miracle qui s’y est fait.