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que l'Apologie parust, qu'il viendroit bien-tost un livre qui renverseroit tout ce qu'on auroit écrit contre la Morale de leur Société. Et lors qu'il fut en estât d'estre imprimé, les Jésuites mesmes en demandèrent le privilège à Monseigneur le Chancelier, qui le leur refusa, et qui a témoigné depuis combien il desaprouvoit ce mal-heureux ouvrage. Les mesmes Jésuites sollicitèrent M. Grandin et M. Morel, Docteurs de Sorbonne pour en tirer l'approbation, qu'ils refusèrent pa- reillement. Mais ceux qui avoient espéré un si grand succès de ce livre, ne laissèrent pas pour cela de se résoudre à le produire.
On vit donc paroistre sur la fin de l'année 1657. ce livre intitulé Apologie pour les Casuisfes contre les calomnies des Jansénistes, dont le dessein estoit de combattre les Lettres au Provincial sur les points qu'elles avoient représentez comme estant contraires à l'esprit de l'Evangile.
Cet Apologiste prend pour cela une voye toute différente de ceux qui avoient écrit avant luy. Car il ne prétend plus qu'on ait falsifié la doctrine des Gasuistes ; mais reconnois- sant de bonne foy qu'elle estoit telle qu'on l'a représentée, il la soutient comme estant au moins probable, et par consé- quent seure en conscience.
Encore que ce livre ne se vendit pas publiquement parce qu'il n'avoit pas de privilège, on n'avoit pas néanmoins de peine à en recouvrer, les Jésuites ayant bien voulu le débiter et le vendre eux-mesmes dans leur Collège de Clermont à Paris, où un grand nombre de personnes en ont fait acheter autant qu'ils en ont voulu. Ces Pères, de plus, en donnèrent en mesme temps tant à Paris qu'à Rouen, et aux autres villes du royaume, à beaucoup de Magistrats, et à beaucoup de per- sonnes de qualité, comme le plus excellent ouvrage qui eut paru depuis long-temps.
Mais il en arriva le contraire de leur prétention. Car ce livre ne fit qu'augmenter l'aversion qu'on avoit desjà conceùe pour les maximes des Gasuistes ; et les personnes de qualité furent étrangement scandalisées de la hardiesse avec laquelle
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