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ŒUVRES

lance d’Archimede, j’aurois failly de donner à Monsieur de Roberval un compagnon dans ses inventions.

Ces raisons ne le satisfirent point et il persista à escrire qu’on ne luy rendoit pas justice ; de sorte qu’on fut obligé de luy mander plus severement les sentimens qu’on en avoit. On luy fit donc entendre que, dés qu’on a veu une invention publiée, on ne peut persuader les autres qu’on l’auroit trouvée sans ce secours, ny s’en asseurer soy-mesme, parce que cette connoissance change les lumieres et la disposition de l’esprit, qui ne sont plus les mesmes qu’auparavant ; et quand on auroit pris de nouvelles voyes, ce n’en seroit pas une marque, parce qu’on sçait qu’il est aussi facile de reduire à d’autres methodes ce qui a esté une fois descouvert, qu’il est difficile de le descouvrir la premiere fois. Qu’ainsi tout l’honneur consiste en la premiere production, que toutes les autres sont suspectes, et que c’est pour eviter ce soupçon que les personnes qui prennent les choses comme il faut suppriment leurs propres inventions, quand ils sont avertis qu’un autre les avoit auparavant produittes, quelques preuves qu’il y ayt qu’ils n’en avoient point eu de connoissance, aymans bien mieux se priver de ce petit avantage que de s’exposer à un reproche si fascheux, parce qu’ils sçavent qu’il n’y a point asseurement de deshonneur à n’avoir point resolu un problesme, qu’il y a peu de gloire à y reüssir, et qu’il y a beaucoup de honte à s’attribuer des inventions estrangeres.