Page:Œuvres de Blaise Pascal, XI.djvu/154

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laissant dans le secret impénétrable de Dieu le discernement des Eleus d’avec les reprouvez. Ce qui les oblige de faire pour eux ce qui peut contribuer à leur salut.

Voilà leur sentiment, suivant lequel on void que Dieu a une volonté absolue de sauver ceux qui sont sauvez et une volonté conditionnelle et par prévision de damner les damnez ; et que le salut provient de la volonté de Dieu, et la damnation de la volonté des hommes.

Voilà le sentiment des disciples de St Augustin, ou plutost celuy des Pères et de toute la Tradition et par conséquent de l’Eglise, les autres ne devant estre considérez que comme des egaremens de l’esprit humain. Or, quoyque ce soit un déplaisir bien sensible à l’Eglise de se voir déchirée par des erreurs contraires qui combattent les plus saintes veritez, et qu’Elle ait sujet de se plaindre et des Molinistes et des Calvinistes, néanmoins elle reconnoist qu’elle reçoit moins d’injures de ceux qui, s’egarans par leurs erreurs, demeurent dans son sein que de ceux qui s’en sont séparez pour faire autel contre autel, sans avoir plus de tendresse ni pour sa voix maternelle qui les appelle, ni de déférence pour ses décisions qui les condamnent[1]. Si l’erreur des Molinistes l’afflige, leur soumission la console, mais l’erreur des Calvinistes, jointe à leur rébellion, luy fait

  1. Cf. le Cinquième écrit des curés de Paris, T. VII, p. 368, et Pensées, fr. 862, T. III, p. 303 sqq.