Page:Œuvres de Blaise Pascal, XI.djvu/170

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Que tous les hommes estant coupables, Dieu en a disposé comme maistre. Qu’il n’a voulu sauver que ceux qu’il avoit créés pour les sauver. Qu’il a voulu damner ceux qu’il avoit créés pour les damner. Que pour cet effet Jesus-Christ s’est incarné pour mériter le salut de ceux qui avoient esté choisis dans la masse encore innocente avant la prévision du péché.

Que Dieu donne à ceux-là, et à ceux-là seulement, la grace de Jesus-Christ, laquelle ils ne perdent jamais depuis qu’ils l’ont receue, qui porte leur volonté au bien (non pas qui fait que la volonté s’y porte, mais qui l’y porte malgré sa répugnance) comme une pierre, comme une scie, comme une matière morte en son action et sans capacité aucune de se mouvoir avec la grâce et d’y coopérer, parce que le libre arbitre est perdu et mort entièrement.

De sorte que la grace opère seule ; et quoy qu’elle demeure et opere jusqu’à la mort de bonnes œuvres, ce n’est point le libre arbitre qui les fait et qui s’y porte par son choix ; au contraire, pendant que la grace opère en luy ces bonnes œuvres, il merite la mort éternelle. Que Jesus-Christ mérite seul, et que, n’y ayant aucun mérite des justes, les mérites de Jesus-Christ leur sont seulement imputés, appliqués et ainsi sauvés.

Ainsi ceux à qui cette grâce est une fois donnée, sont infailliblement sauvés, non par leurs bonnes œuvres ou bonne volonté, car ils n’en ont aucune, mais par les merites de Jesus-Christ qui leur sont appliqués.