Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/110

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versions que la Vulgate donne à différents endroits d’un même texte hébreu[1]. Enfin dans l’Ecriture même la pré dilection de Pascal est manifeste pour les prophètes juifs, pour les Isaïe, les Ezéchiel et les Jérémie. Non qu’il soit ému par le souffle de poésie orientale qui traverse leurs prophéties ; mais il se sent en communion d’âme avec eux : comme eux il vit devant Dieu et devant le même Dieu, le Dieu jaloux qui a créé l’humanité pour son service, le Dieu qui enverra l’aveuglement et qui pour tant le punira, le Dieu qui s’est réservé des adorateurs cachés. Tandis qu’un Spinoza, libéré par Descartes de la tradition rabbinique, rêve de fonder sur l’unité absolue de Dieu la catholicité vraie, Pascal, élevé en géomètre, se retire dans le cercle étroit où sont les serviteurs secrets, les élus qui s’effraient eux-mêmes de leur petit nombre en comparaison de la masse innombrable des perdus. Bossuet — qui, lui aussi, est pénétré de l’Ancien Testament et de l’esprit juif — a été salué comme un Père de l’Église ; Pascal est, à la lettre, le dernier prophète d’Israël.

Montaigne, Charron et Méré d’une part — de l’autre, Jansénius, saint Augustin et l’Écriture, voilà, semble-t-il, toute l’Apologie que Pascal méditait. Faut-il en conclure, comme on l’a fait, que l’Apologie ne devait pas être une œuvre proprement originale ? Non certes que nous ayons à envisager ici la thèse de Charles Nodier sur Pascal plagiaire. Pour fameuse que soit cette thèse, il ne lui manque que d’avoir un sens : elle transforme en un livre publié du consentement et sous la surveillance de l’auteur les feuilles volantes qui ont été trouvées à la mort de Pascal ;

  1. Cf. fr. 735 et 736, fr. 779.