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Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/111

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elle ignore la place que Pascal réservait à Montaigne dans la Préface de sa première partie, la forme sous laquelle il se proposait de publier les longs passages imités des Essais, et qui est bien caractéristique : Lettre de l’Injustice, lettre de la folie de la science humaine et de la philosophie ; mais par-dessus tout elle a cette naïveté incomparable de s’imaginer que l’on pouvait en plein xviie siècle s’approprier du Montaigne à l’insu du lecteur.

Mais dans un meilleur sens on peut se demander si Pascal a voulu faire œuvre originale. Pascal n’invente pas un système pour le proposer à ses contemporains ; Pascal est un chrétien qui veut convertir les libertins à l’autorité de l’Église ; il prêche la vérité révélée. Toute addition, étant humaine, serait sacrilège ; au contraire il faut la dégager, cette vérité, de toutes les inventions et de toutes les mutilations que la Scolastique et les Jésuites lui ont fait subir pour la mettre au niveau de nos besoins logiques, ou de nos faiblesses morales ; il faut la rétablir dans sa pureté. Pascal se serait donc dans son Apologie défendu contre sa propre originalité ; il se serait scrupuleusement renfermé dans le programme que l’Entretien avec M. de Saci avait tracé : emprunter à Montaigne, pour lui assurer toute garantie d’impartialité et d’objectivité, son expérience de l’homme, montrer comment, à moins de s’abandonner soi-même dans la conscience de sa corruption, l’homme réclame la source de vie et de vérité, qui est le Rédempteur. Première partie : Adam, par Montaigne. Seconde partie : Dieu, par Jésus Christ.

Quelle sera donc la portée de cette conception, qui de loin parait plausible ? C’est ce qu’il est bien difficile d’apercevoir, dès qu’on veut préciser. Plus on diminue