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Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/140

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nous pourrions avec les théologiens, avec saint Augustin dont l’Augustinus codifie en quelque sorte la doctrine[1], chercher dans le fait même de la génération, dans la loi biologique d’hérédité une lumière pour comprendre la perpétuité du péché. Mais ce serait encore juger Dieu par la nature, ce serait traduire le mystère dans la langue de la raison, et déjà le nier. Aussi Pascal — ne s’écartant de Jansénius que pour être si Ton peut dire plus janséniste que lui, comme il ne s’est séparé de Nicole et d’Arnauld dans l’affaire du Formulaire que pour demeurer plus inflexiblement attaché à l’indépendance de Port-Royal — écrit-il ces lignes qui ont paru trop hardies aux éditeurs de 1670 : « Nous ne concevons ni l’état glorieux d’Adam, ni la nature de son péché, ni la transmission qui s’en est faite en nous ; ce sont choses qui se sont passées dans l’état d’une nature toute différente de la nôtre, et qui passent l’état de notre capacité présente[2]. »

Posons le péché originel, tel qu’il doit être posé selon la logique des contraires : il est le renversement de notre justice, puisqu’en nous est la perversion de toute justice. Que l’on comprenne bien : la transmission du péché consiste, non pas seulement à nous faire supporter le poids d’une faute à laquelle notre volonté demeure étrangère, mais à dépraver dans sa racine notre volonté. Nous devenons source vivante d’iniquité ; rien ne peut plus être bon de ce qui vient de nous[3]. L’amour de la vérité, si nous croyions engendrer la vérité par un effort qui nous fût propre et l’apercevoir au regard clair et direct de notre intelligence, dissimulerait la concupiscence de l’orgueil. Le désir de la

  1. De Statu naturæ lapsæ, I, v.
  2. Fr. 560.
  3. Fr. 478 et 479.