Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/148

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réalité du monde et toute sa raison d’être. Or cette chaîne remonte par delà même rétablissement de l’Église chrétienne ; Jésus n’est pas Dieu tout entier, la rédemption n’est qu’un moment de la vie divine. Le Dieu que Pascal oppose au Dieu des philosophes, au « Dieu simplement auteur des vérités géométriques et de l’ordre des éléments » est celui qu’il appelle lui-même « le Dieu d’Abraham, le Dieu d’Isaac, le Dieu de Jacob, le Dieu des Chrétiens. » L’Évangile de Jésus n’est absolument intelligible et absolument vrai qu’en rapport avec l’Ancien Testament où s’accusent d’une façon si énergique l’action de Dieu dans le monde et la marque de sa volonté toute-puissante sur chaque événement de l’histoire.

Pour un Spinoza, le Christ est, comme le rapporte Tschirnhaus, le philosophe par excellence[1] : à la religion juive privilège d’un peuple élu, fondée sur les images sensibles, confirmée par le signe matériel du miracle, com mandant l’obéissance et la justice sans rendre un compte clair de ses prescriptions, le Christ a fait succéder la religion de l’esprit pur, accessible à l’universalité des hommes, puisqu’elle est tout entière une affirmation de la vérité éternelle, démontrable par la raison qui est pour chaque être la révélation intérieure et éternelle de Dieu. Dans les Pensées qui ont été publiées la même année que le Tractatus Theologico-Politicus le christianisme n’est plus la négation, il est au contraire la confirmation et le prolongement prévu, prédit, du judaïsme. Voilà pourquoi Pascal se dégoûte et se détourne de la science rationnelle ; voilà pourquoi il demande aux textes révélés de lui faire connaître la vérité qui seule désormais lui importe. Il applique toutes ses forces à l’interprétation de ces textes,

  1. Apud Ludwig Stein, Leibniz und Spinoza, 1890. Beilage II, p. 283.