Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/149

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il devient le disciple non seulement des écrivains hébreux qui avaient rédigé l’Ancien Testament, mais des rabbins juifs qui en avaient découvert et établi le sens figuratif. Fidèle à la tradition de saint Paul, fidèle à l’esprit de Jansénius qui ne cesse de dénoncer la corruption d’Origène et de la Scolastique, et qui purge la religion de toute trace de métaphysique platonicienne ou de morale stoïcienne, c’est-à-dire au fond de tout paganisme, Pascal travaille à retrouver le christianisme originel, en le dégageant de tout contact avec l’esprit occidental, en le soudant fortement au judaïsme qui en est la source.

Et en effet si la religion est autre chose qu’un tissu d’abstractions philosophiques, si elle est avant tout une réalité concrète qui enveloppe l’âme tout entière, la baigne de son atmosphère et la nourrit de sa substance, la plus forte preuve de la religion c’est sa perpétuité. Elle a toujours été. Le christianisme s’est en quelque sorte précédé lui-même dans le judaïsme[1]. Le Dieu des chrétiens était déjà le Dieu des Juifs[2]. Un trait commun marque l’identité des deux Testaments : Dieu n’y est connu et aimé que d’une petite élite de serviteurs fidèles, parce que telle est en effet sa volonté que quelques-uns seulement parmi les hommes soient éclairés, que quelques-uns seulement tournent vers lui leur cœur et leur amour. La conduite de Dieu envers le monde tend à l’établissement d’une Église choisie pour la pratique du culte et de l’ado ration ; le même soin jaloux qui veille à la conservation de cette Église, en écarte ceux qui ne sont pas appelés. Aussi est-il nécessaire que la conduite de Dieu paraisse ambiguë ; mais cette ambiguïté, dont la raison naturelle fait un scan-

  1. Fr. 601, sqq.
  2. Fr. 610.