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Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/151

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sens clair de l’Écriture, Dieu avait choisi un peuple parmi les peuples, et une élite parmi ce peuple : je m’en suis réservé 7000, dit un texte que Pascal aimait à citer[1]. De là cette doctrine essentielle « que les vrais Juifs et les vrais chrétiens n’ont qu’une même religion[2] ». Dieu a donné la loi aux Juifs pour les aveugler ; et en effet ils ont cru que Dieu leur commandait la circoncision, les sacrifices et les cérémonies, qu’il leur promettait pour prix de leur obéissance les richesses de la terre et la joie de la domination. Pourtant quelques Juifs ont été éclairés par ces mêmes paroles qui avaient égaré la plupart de leurs coreligionnaires, quelques-uns ont dégagé le sens spirituel de ces commandements et le sens moral de ces promesses : ils ont compris et pratiqué la circoncision du cœur, ils ont attendu le Messie, qui apporterait définitivement aux hommes la puissance de renoncer à la terre et de vivre dans la charité. L’Ancien Testament semble fait pour détourner de croire, et il faut qu’il en soit ainsi : il doit éloigner ceux qui s’éloignent eux-mêmes de la charité ; Dieu n’y parle qu’à ceux à qui il s’est déjà fait entendre intérieurement et qui savent découvrir dans le précepte littéral la figure du Dieu caché[3].

Grâce à cette ambiguïté l’Ancien Testament peut à la fois subsister par lui-même, et devenir le fondement du christianisme. Il subsiste par lui-même, aux yeux des Juifs qui n’ont pas pu reconnaître en Jésus le Messie qui leur était annoncé. Et les prophéties doivent être telles qu’elles justifient du même coup et l’endurcissement des Juifs destinés à demeurer dans la suite des siècles les

  1. Fr. 788 ; cf. Lettres à Mademoiselle de Roannez, III, olim 5.
  2. Fr. 610.
  3. Fr. 642 sqq.