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Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/150

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dale, est la raison surnaturelle qui explique et éclaire tout. C’est elle qui justifie en dernier ressort cette logique des contraires que l’on avait appuyée provisoirement sur des exemples humains ; c’est elle qui nous élève jusqu’au Dieu vivant qui agit dans l’histoire.

Voici la règle de la foi : « Les deux raisons contraires. Il faut commencer par là : sans cela on n’entend rien, et tout est hérétique ; et même, à la fin de chaque vérité, il faut ajouter qu’on se souvient de la vérité opposée[1]. » Et voici le fondement de cette règle : « On n’entend rien aux ouvrages de Dieu, si on ne prend pour principe qu’il a voulu aveugler les uns, et éclairer les autres[2]. »

Dès lors le problème de la religion qui avait été d’abord posé en termes généraux, comme le problème de la vérité ou de la justice, prend ce caractère personnel, tragique, que le génie de Pascal a si admirablement exprimé. Il ne me suffit plus de savoir que l’Évangile est authentique et que Jésus est le médiateur. Mais suis-je ou non appelé à faire partie de l’Église que Dieu a choisie ? me donnera-t-il jusqu’à la fin de mes jours cette grâce sans laquelle la foi en sa parole et la bonne volonté absolue seraient de nulle efficacité ? échapperai-je enfin à la damnation éternelle que tous les hommes ont méritée en Adam ? une miséricorde, d’autant plus grande qu’elle est plus rare, me tirera-t-elle de la « masse des perdus » pour me faire parvenir à la béatitude de l’éternité ?

La question capitale devient ainsi la question de l’Église.

Le judaïsme a connu l’Église. Avant même que Jésus ait paru sur la terre pour rompre le sceau et dévoiler le

  1. Fr. 567.
  2. Fr. 566.