Page:Œuvres de Blaise Pascal, XII.djvu/178

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de changer, on les fera convenir de laisser les autres comme ils sont ; mais souffrez, monsieur, que je vous dise qu’il ne faut pas être si difficile, ni si religieux à laisser un ouvrage comme il est sorti des mains de l’auteur, quand on le veut exposer à la censure publique. On ne saurait être trop exact quand on a affaire à des ennemis d’aussi méchante humeur que les nôtres. Il est bien plus à propos de prévenir les chicaneries par quelque petit changement, qui ne fait qu’adoucir une expression, que de se réduire à la nécessité de faire des apologies. C’est la conduite que nous avons tenue touchant des considérations sur les dimanches et les fêtes, de feu M. de Saint-Cyran, que feu Savereux a imprimées. Quelques-uns de nos amis les avaient revues avant l’impression ; et M. Nicole, qui est fort exact, les ayant encore examinées depuis l’impression, y avait fait faire beaucoup de cartons. Cependant les docteurs, à qui on les avait données pour les approuver, y ont encore fait beaucoup de remarques, dont plusieurs nous ont paru raisonnables et qui ont obligé à faire encore de nouveaux cartons. Les amis sont moins propres à faire ces sortes d’examen que les personnes indifférentes, parce que l’affection qu’ils ont pour un ouvrage les rend plus indulgents sans qu’ils le pensent, et moins clairvoyants. Ainsi, monsieur, il ne faut pas vous étonner, si ayant laissé passer de certaines choses sans en être choqués, nous trouvons maintenant qu’on les doit changer, en y faisant plus d’attention après que d’autres les ont remarquées. Par exemple, l’endroit de la page 293[1] me parait maintenant souffrir de grandes difficultés, et ce que vous dites pour le justifier, que, selon saint Augustin, il n’y a point en nous de justice qui soit essentiellement juste, et qu’il en est de même de toutes les autres vertus, ne me satisfait point. Car vous reconnaîtrez, si vous y prenez bien garde, que M. P. n’y parle pas de la justice, vertu qui l’ait dire qu’un homme est juste, mais de la justice quæ jus est, qui fait dire qu’une chose est juste, comme : il est juste d’honorer son père et sa mère, de ne tuer point, de ne commettre point d’adultère, de ne point calomnier, etc… Or, eu prenant le mot de justice en ce sens, il est faux et très

  1. Voir plus bas page clxxviii.